La façon dont les dents du haut s’engrènent avec les dents du bas pour fermer la bouche est un système très complexe, dont nous n’avons pas conscience. Mais nous sommes beaucoup (près de 75%!) à ne pas avoir une occlusion idéale : à cause de malpositions dentaires, d’un souci squelettique, ou d’un défaut mécanique. Mais si l’occlusion reste fonctionnelle (si on peut mastiquer et avaler sans souci), et qu’elle ne provoque pas de complexe esthétique, on peut rester sans diagnostic et ignorer les traitements. Mais c’est un tort ! Car en cas de malocclusion, même mineure, c’est tout le squelette qui peut souffrir et c’est le compte à rebours de douleurs et de problèmes à distance.
Dentaly.org vous explique tout des différents types de malocclusion dentaire, quand et comment les faire diagnostiquer, et quelles solutions pourront être apportées.
Sommaire
Qu’est-ce qu’une malocclusion dentaire ?
La mise en occlusion de la mâchoire du haut avec la mâchoire du bas n’est que rarement volontaire. C’est inconsciemment que l’on serre les molaires entre elles à chaque fois que l’on avale sa salive, ou de la nourriture. Et le reste du temps, la mandibule prend une position de repos, sans contact des dents.
Le temps d’occlusion journalier (tout compris : mastication et déglutition) dure de 30 à 40 minutes. Treize de ces minutes sont consacrées à avaler notre salive – environ 800 fois par jour. Le reste du temps, l’inocclusion permet de reposer ce système muscolo-articulaire (et dentaire !) puissant et demandeur. Pendant ce temps de repos, les muscles agissent tout de même sur l’articulation, a minima, pour contrebalancer la pesanteur. Mais les dents ne sont pas en contact.
L’occlusion idéale
On parle d’intercuspidie pour décrire l’occlusion dentaire : les cuspides sont les reliefs sur les molaires et prémolaires, comme des petites excroissances. Dans l’occlusion, ce sont les cuspides qui s’engrènent, un peu comme les “dents” d’un engrenage à roues. Les cuspides des molaires et prémolaires du haut viennent se caler entre les cuspides de celles du bas. C’est l’occlusion maximale.
Pendant ce temps d’occlusion, les incisives du haut (les dents de devant) recouvrent celles du bas sur le tiers de leur hauteur. Toutes les dents du fond sont en contact maximal, engrenées, ce qui permet de répartir l’effort sur l’ensemble de la mâchoire.
La vidéo ci-dessous montre une occlusion idéale en mouvement :
Quand des molaires ou prémolaires ne sont pas en contact pendant l’occlusion, ou s’engrènent mal, et/ou quand les dents de devant se positionnent mal (trop en avant ou trop en arrière), on parle alors de malocclusion.
Les types de malocclusion dentaire
L’engrènement est en remaniement permanent au cours de la vie : pendant la croissance de la mâchoire bien sûr, mais aussi à cause de l’usure des dents, ou des accidents de la vie dentaire.
Une surface occlusale stable et intègre permet la fonction de nutrition (section, trituration, déglutition), mais aussi une répartition optimale des forces et une préservation articulaire et osseuse. C’est pour cela qu’il est important de faire diagnostiquer son état occlusal et d’envisager une réparation ou un traitement orthodontique pour viser une normocclusion.
Il existe beaucoup de malocclusions fonctionnelles : c’est-à-dire que l’on peut mastiquer et avaler sans problème, malgré quelques anomalies de l’occlusion. Elles sont souvent dues à des problèmes dentaires courants : perte d’une ou plusieurs dents “mastiquantes”, décalage temporaire dû aux dents de sagesse, douleurs dentaires chroniques… Elles doivent faire l’objet de contrôles et de soins, pour ne pas provoquer de problèmes plus graves à long terme.
Les malocclusions dites dysfonctionnelles dérivent de mauvais placements occlusaux importants créant des troubles structurels (dentaires, articulaires, musculaires). Ces malocclusions peuvent avoir été créées par :
- des problèmes de malformations osseuses et articulaires génétiques ou congénitales;
- des problèmes traumatiques : accidents de la mâchoire notamment;
- des problèmes mécaniques induits sur les dents et l’appareil de manducation comme sucer son pouce, fumer la pipe, se ronger les ongles…
- des problèmes mécaniques comme la déglutition atypique : les arcades dentaires ne se touchent pas car la langue vient s’interposer et pousser sur les incisives;
- des problèmes dentaires : édentements, prothèses mal adaptées…
- des problèmes alvéolaires : dents inclinées, encombrements dentaires…
- des problèmes organiques : sinusite chronique, problèmes digestifs ou buccaux…
- des problèmes émotionnels : pression occlusale constante par le stress, le bruxisme…
La classification d’Angle
Il s’agit d’une ancienne classification toujours mentionnée aujourd’hui, même si elle ne décrit que le rapport entre les incisives. Mais c’est souvent ce rapport-là qui cause des problèmes esthétiques sévères et qui est la partie apparente d’un problème occlusal plus global.
Il y a trois classes d’occlusion selon Angle :
- Classe 1 : occlusion normale entre les incisives du haut et du bas. Ces dernières sont en arrière de celles du haut, en contact affleurant avec l’arrière de celles-ci et recouvertes par elles sur un tiers ou un quart de leur longueur.
- Classe 2 : occlusion anormale, par le placement des incisives du haut sur celles du bas. Elles sont trop avancées, avec un espace trop grand, et projetées vers l’avant (“dents de lapin“, on parle de classe 2 division 1), ou bien recouvrant entièrement les incisives inférieures (“overbite“), avec une légère ou forte inclinaison vers l’intérieur (classe 2 division 2).
- Classe 3 : occlusion anormale, par la position des incisives inférieures qui viennent se placer au-devant des incisives supérieures. On parle de prognathie ou d’occlusion inversée. Elle peut être causée par une mâchoire inférieure trop avancée ou au contraire par la mâchoire du haut qui recule lors de la manducation.
La vidéo ci-dessous montre les trois classes ainsi que les sub-divisions de la classe 2 :
L’orthodontiste, ou le dentiste, pourra référer à cette classification, mais devra la compléter d’éléments de description de l’occlusion verticale et latérale sur les molaires et prémolaires.
Types de malocclusion et molaires
Quand seule l’intercuspidie molaire est afonctionnelle, on peut mettre plus de temps à s’en rendre compte: il y a moins de dommages esthétiques, et plus de compensation fonctionnelle avec le jeu articulaire. Mais les problèmes à moyen et long termes – dentaires, posturaux, articulaires – sont bien là.
Dans le sens vertical, on peut constater une extrusion ou une intrusion d’une ou plusieurs molaires, ce qui modifie l’engrènement. Dans le sens latéral, on peut avoir un décalage des cuspides (celles du haut passent trop à l’extérieur ou à l’intérieur de celles du bas).
En cas d’édentement non compensé (par une prothèse ou un appareil amovible), les molaires ou prémolaires adjacentes (à la dent manquante) vont migrer et se pencher, et créer des problèmes occlusaux. Il est important de toujours faire remplacer des dents manquantes pour cette raison (même si elles ne se voient pas!).
Les cas de béance molaire montrent une non-occlusion totale ou partielle des molaires. C’est le cas avec la déglutition atypique qui interpose la langue entre les deux mâchoires (comme chez les bébés).
Conséquence des malocclusions dentaires sur la santé
Les symptômes secondaires d’un problème occlusal ne sont pas restreints à la sphère oro-faciale mais touchent à l’état général et à la qualité de vie.
- Dommages esthétiques : manque de confiance en soi qui nous empêche de sourire
- Dommages fonctionnels : quand il est difficile de mastiquer et d’avaler sa salive sans fournir un gros effort.
- Dommages dentaires : les dents se déplacent, s’usent rapidement, en cas de mauvais engrènement. Et l’hygiène dentaire est également plus difficile à assurer (accumulation de tartre et de débris). S’ensuivent des déchaussements, inflammations, maladies parodontales…
- Dommages articulaires : les pressions décuplées et mal positionnées agissent sur les articulations temporo-mandibulaires et peuvent créer migraines, douleurs posturales, ronflements, apnées du sommeil… On parle alors de SADAM (syndrome algo-dysfonctionnel de l’appareil manducateur), dont la malocclusion est l’une des causes.
- Dommages posturaux généraux : comme l’oreille interne, l’appareil manducateur envoie des informations au cerveau sur la posture du squelette, par rapport aux forces de la pesanteur et de l’équilibre. Tout dysfonctionnement influe sur la position du corps, les hanches, les genoux, les chevilles, et peut alors créer des douleurs chroniques à distance de la mâchoire, mais également des troubles de l’équilibre, des vertiges, des troubles auditifs…
Diagnostiquer et corriger une malocclusion
Les problèmes secondaires à une malocclusion, même minime, se manifestent dans le temps, parfois plusieurs décennies. Mais les séquelles peuvent être évitées en demandant à votre dentiste ou orthodontiste d’évaluer votre système occlusal et de vous proposer si besoin un processus de correction des problèmes occlusifs.
Des dents alignées sont plus faciles à nettoyer, les gencives sont mieux irriguées et les os des mâchoires sont stimulés idéalement, ce qui permet une vraie prévention à long terme des problèmes bucco-dentaires et du vieillissement prématuré de la dentition.
Le traitement orthodontique
En maintenant une action de force sur certaines dents, on génère le mouvement du ligament alvéolo-dentaire et des tissus, entraînant le mouvement des dents vers une position idéale. Les appareils d’orthodontie peuvent être classiques, fixes (les bagues bien connues des adolescents), ou peuvent être amovibles et transparents, ressemblant à des gouttières de blanchiment.
Ces traitements invisibles, appelés aligneurs dentaires, soignent l’orientation et la place de la dent, et ont un effet limité sur les malocclusions plus sévères ou plus généralisées. Si cette option vous intéresse, n’hésitez pas à prendre rendez-vous dès maintenant avec un orthodontiste DR SMILE pour savoir si ce type de traitement pourrait fonctionner sur vos dents :
Avec les traitement classiques peuvent être utilisés des appareillages auxiliaires, en force extra-orale, comme des arcs de traction et d’expansion, à placer sur des crochets inclus dans les bagues, et à garder la nuit pour optimiser le travail orthodontique.
Pour finaliser le travail obtenu sur les dents, et fixer le remaniement du tissu osseux, un dispositif de contention doit être porté pendant plusieurs mois (voire plus, dans certains cas). Ce traitement de consolidation peut tout à fait être réalisé par des gouttières Invisalign. Sinon, une attelle de contention est fixée sur la face interne des dents.
Le traitement orthopédique dento-facial
Des appareils de rééducation dento-faciale peuvent être prescrits pour une malocclusion quand celle-ci dépend des bases osseuses de l’articulation temporo-mandibulaire. Ces appareils agissent en modifiant les relations osseuses et articulaires en cas de décalage de la mandibule avec la mâchoire supérieure, ou bien pour élargir le maxillaire supérieur. Pour que ce soit efficace, il faut que le patient n’ait pas fini sa croissance.
Les appareils doivent être portés le plus longtemps possible dans la journée: pas à l’école ni au sport, mais devant la télé, en faisant ses devoirs, la nuit.
Voici une vidéo expliquant l’appareil orthopédique dit “masque de Delaire“, pour corriger une malocclusion de classe 3 :
Pour corriger une rétrognathie (quand la mâchoire du bas est trop reculée par rapport à celle du haut), on utilise l’appareil orthopédique Herbst, qui est fixe contrairement au Delaire. Il rééduque le mouvement de la mâchoire vers l’avant.
La chirurgie orthognatique
La chirurgie orthognathique va remplacer le traitement orthopédique quand la croissance du patient est terminée, à partir de 16 ans. Le traitement orthodontique est fait avant la chirurgie (et continué parfois après), pour aligner les dents, sur une période de un à deux ans.
La chirurgie a lieu sous anesthésie générale. Le chirurgien va déplacer les mâchoires et les maintenir soit de façon permanente avec des vis ou des plaques intégrées dans l’os, soit de façon temporaire avec des broches et des élastiques. Les mâchoires vont pouvoir consolider leur nouvelle position, idéale pour l’occlusion.
L’appareil de rééducation linguale
En cas de déglutition atypique, créant une béance postérieure et un overjet (projection des incisives supérieures vers l’avant), il faut rééduquer dès que possible l’appareil manducateur et le rôle central de la langue. Le chirurgien-dentiste ou l’orthodontiste proposeront un appareil orthodontique fixe avec une grille anti-langue, ou bien un appareil de rééducation linguale, comme l’enveloppe linguale nocturne (ELN).
L’enveloppe linguale nocturne se place sur la langue et oblige le réflexe lingual à adopter une bonne position pendant la déglutition salivaire. C’est encore mieux que la rééducation se passe la nuit, en dehors de la conscience, pour travailler sur les circuits neuronaux de l’automatisme.
Même principe pour le Froggymouth, à porter sur un trajet en voiture ou devant un film, 15 minutes par jour, pour développer de nouveaux réflexes de déglutition, comme on le voit dans la vidéo ci-dessous:
Le traitement dentaire
Votre dentiste pourra corriger la mauvaise disposition d’une couronne (ou sa forme non adaptée), meuler des dents quand leur relief entraîne un mauvais engrènement, arracher et remplacer certaines dents mal placées, en coopération avec l’orthodontiste ou pas.
Le traitement orthophoniste
En mettant en place des exercices oro-faciaux et phonatoires, à reproduire à la maison, l’orthophoniste va aider le patient à adopter de nouvelles habitudes posturales de la mâchoire et/ou de la langue, aider également à supprimer des mauvaises habitudes péri-orales (grincer des dents, se ronger les ongles, sucer son pouce…). Le suivi permet aussi d’aider la stabilité dans le temps du traitement chirurgico-orthodontique.
Voici ci-dessous par exemple des exercices de type ortophonie pour corriger la déglutition atypique, créatrice de troubles occlusaux majeurs:
Le traitement ostéopathique
L’ostéopathe peut agir en complément du traitement orthodontique et orthopédique, pour aider les os crâniens à supporter et accompagner le travail de redressement. L’ostéopathe va assouplir les zones sous tension, au niveau de l’ATM (articulation temporo-mandibulaire), mais travailler aussi aux tensions dans la “chaîne de compensation descendante” (vertèbres, hanches, chevilles…).
Le traitement kinésithérapeutique
La kinésithérapie maxillo-faciale permet de rééduquer une déglutition atypique et certains mauvais positionnements de la mâchoire et des lèvres pendant l’occlusion. Comme chez l’orthophoniste, la rééducation se fait sous forme de séries d’exercices volontaires, en se servant de la langue, des lèvres, des doigts et d’instruments légers, pour corriger la cinétique mandibulaire. Elle s’accompagne de massages puissants des joues, du visage et du cou, pour décontracter les muscles et les ligaments, et les préparer au travail de rééducation.
La rééducation chez un kinésithérapeute permet aussi de corriger les symptômes secondaires à une malocclusion sur la posture – les douleurs dorsales, lombaires et cervicales – grâce à des étirements et des exercices de renforcement musculaire.
Conclusion
Dents de lapin, ou menton en galoche, terriblement moqués à l’école par le passé, sont maintenant très rapidement traités en orthodontie chez l’enfant, et ne sont plus qu’un souvenir lointain à l’âge adulte. Mais d’autres symptômes de malocclusion des mâchoires peuvent passer inaperçus, parce qu’ils sont compensés par des mouvements articulaires permettant une forme d’engrènement, et qu’ils ne sont pas aussi inesthétiques.
Pourtant, même des symptômes minimes ou cachés de malocclusion doivent être traités par des spécialistes, car leurs effets sur l’articulation temporo-mandibulaire et, en compensation, sur le squelette, mais aussi sur la santé dentaire, se développent lentement mais sûrement dans le temps.
Notre conseil est de faire pratiquer un bilan occlusal chez votre dentiste, qui saura vous proposer un traitement adapté: soit un traitement dentaire simple (remplacement d’une dent, meulage d’une série de dents…), soit une rééducation de l’appareil manducateur, soit un traitement orthodontique, soit, en cas de malocclusion sévère, un traitement d’orthopédie dento-faciale et/ou une chirurgie.
Chez l’enfant, ce bilan occlusal doit se faire le plus tôt possible – le traitement sera allégé, plus il est mis en place tôt lors de la croissance de la mâchoire. Il est possible d’avoir recours à l’orthodontie précoce, dès 5 ans, quand les problèmes de positionnement de la mâchoire (généralement héréditaires et squelettiques dans ce cas) sont déjà visibles. A partir de 9 ans, l’orthopédie dento-faciale peut être prescrite, et l’orthodontie traditionnelle peut être appliquée dès la mise en place des dents permanentes.
Le suivi par un ostéopathe, un kinésithérapeute et un orthophoniste est conseillé pour accompagner le travail sur les mâchoires; en désactivant des réflexes faussés, en rééduquant l’utilisation de la langue, ou en soulageant les problèmes de postures et les douleurs qui découlent de la malocclusion dentaire.
Site de l’assurance maladie. Classifications et types de malpositions dentaires. Fiche d’information [en ligne]. https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/malpositions-dentaires/types-malpositions-dentaires Consulté le 4 juillet 2020
Université de Lorraine, Faculté d’odontologie. Occlusion dentaire, postures et performances sportives. Thèse [en ligne]. http://docnum.univ-lorraine.fr/public/BUPHA_TD_2015_PICART_PAULINE.pdf Consulté le 4 juillet 2020