Le patient atteint de troubles alimentaires souffre de longues années d’un rapport complexe avec la nourriture et l’image corporelle, avant de se rendre compte des dommages causés sur les “organes invisibles” par les crises et les déséquilibres. Ce qui compte, lorsqu’on subit l’état psychologique lié aux TCA (Troubles du Comportement Alimentaire), c’est : ce que l’on mange, combien on en mange et comment le montre notre corps.
Mais très vite, les symptômes secondaires de la maladie apparaissent. Ils sont d’abord peu ou pas visibles du patient, qui les ignore jusqu’à ce qu’ils le fassent réellement souffrir. Des complications digestives, endocriniennes, rénales, cardiaques, osseuses, rendent dangereux les troubles alimentaires sur la durée. Mais c’est la santé bucco-dentaire qui en pâtit en premier lieu, avec des dommages esthétiques et douloureux qui renforcent encore le sentiment de mésestime qui accompagne les TCA (et qui est l’un des premiers facteurs déclenchants, ce qui crée un cercle vicieux).
Heureusement, des gestes simples et vraiment efficaces permettent de réduire l’impact des TCA sur la santé dentaire, en attendant que le patient puisse en guérir. Dentaly.org vous explique le pourquoi/comment des problèmes dentaires liés aux troubles alimentaires et conseille sur les étapes à suivre pour protéger les dents des effets de la maladie à court et à long terme.
Sommaire
TCA : de quoi s’agit-il ?
“TCA” est le sigle de “Troubles du comportement alimentaire”, expression que l’on utilise pour parler des maladies psychologiques liées à la prise alimentaire.
Différents profils de TCA
Les TCA les plus courants touchent en majorité les jeunes filles : environ 7% des jeunes filles en souffrent – 6 fois moins chez les garçons. Il s’agit de comportements et/ou pensées compulsives visant à réguler, contrôler et restreindre la prise alimentaire, accompagnés de comportements compulsifs de réaction à ces contrôles. La restriction (ou la pensée de la restriction) entraîne la “crise” pendant laquelle le patient ne peut s’empêcher de manger en grandes quantités les aliments dont il aimerait se passer entièrement. C’est ce mouvement de balance qui caractérise principalement ces affections, avec des phases aiguës pendant lesquelles l’un ou l’autre de ces comportements prévaut.
Voici les trois principales maladies regroupées sous le sigle TCA :
- L’anorexie : l’anorexie dite mentale se caractérise par une restriction constante des apports alimentaires. Le patient veut absolument mincir, et réduire toutes ses chances de grossir. La perte de poids est très importante, mais n’est pas reconnue par le patient. Les phases de compulsion alimentaire, ou “conduites boulimiques”, sont généralement présentes, et compensées par une pratique intense du sport, des produits amincissants (diurétiques, laxatifs) et/ou des vomissements.
- La boulimie : le terme “boulimie” renvoie à des comportements compulsifs de prise alimentaire. De grandes quantités de nourriture sont absorbées. Généralement le patient est seul, caché, pendant la crise qu’il fait suivre par des comportements de compensation (jeûne, sport et/ou vomissements).
- L’hyperphagie boulimique : en cas d’hyperphagie boulimique, le patient ne cherche pas à compenser immédiatement les crises, tout en ayant toujours à l’idée que bientôt il pourra se contrôler. Sans comportement compensatoire, le surpoids puis l’obésité apparaissent.
Ces maladies sont très souvent vécues dans l’isolement, et le patient ne cherche pas un soutien médical avant que les symptômes secondaires ne deviennent vraiment douloureux et/ou envahissants.
Les troubles alimentaires et les dents
De par le déséquilibre nutritionnel et alimentaire, mais aussi par les gestes liés aux TCA, la bouche est un des premiers organes abîmés par la maladie. Voici ci-dessous les problèmes observés dans ce cadre.
Altération et perte dentaire
Les TCA créent une exposition accrue aux sources d’érosion, qu’elles soient :
- Externes, avec la nourriture et les boissons trop sucrées et trop acides, ou
- Internes, avec les vomissements et les reflux gastriques causés par la maladie.
Les dents deviennent fragiles, translucides, changent de couleur, de forme. Ces lésions sont irréversibles. Elles s’accompagnent d’une sensibilité au froid et au chaud dans un premier temps, puis d’une douleur au contact. Le déséquilibre du pH favorise l’apparition des caries qui endommagent également la dent. Si la pulpe est exposée (tant la surface minérale est abîmée), alors la racine risque infection et nécrose.
L’érosion dentaire peut également engendrer des changements occlusaux: la mâchoire ne se ferme pas idéalement pendant la mastication, et le patient doit compenser avec les incisives, ce qui crée des transformations articulaires visibles et inesthétiques.
Parodontopathies
Les carences alimentaires et l’acidité du milieu buccal favorisent l’inflammation et les maladies parodontales, avec à terme la récession gingivale et le déchaussement.
Érythèmes et chéiloses
Fissures, rougeurs, irritations, gonflements… sont des symptômes fréquents des TCA sur les muqueuses buccales, par les actions mécaniques de la mastication permanente et les vomissements provoqués, mais aussi par l’altération du milieu biologique (trop acide).
Parotidomégalie
Elle est provoquée par une sialose uni- ou bi-latérale, c’est-à-dire une affection des glandes salivaires créée par le déséquilibre alimentaire et les vomissements. Les glandes salivaires enflent, visiblement (visage en “hamster” ou en “poire”, mais parfois sur un seul côté), ce qui renforce les problèmes de mésestime.
Quand consulter son dentiste en cas de troubles du comportement alimentaire ?
Quand il y a douleurs et/ou préjudice esthétique, le patient est amené à consulter un dentiste. Celui-ci peut reconnaître les signes d’une maladie liée au comportement alimentaire, notamment par les lésions au palais (dues aux vomissements provoqués) et par l’érosion lisse caractéristique. Il conseillera alors un plan d’action de prévention et d’accompagnement des symptômes liés aux TCA.
Mais il est conseillé de ne pas attendre les premières douleurs ou les premiers signes visibles. Souvent, c’est la honte qui retient le patient loin du cabinet dentaire, mais il y a aussi la difficulté à accepter que d’autres touchent à la cavité buccale, lieu d’un sur-investissement psychologique. Pourtant, il n’y a que l’accompagnement du dentiste, ses conseils et ses actions préventives, qui peuvent permettre de réduire voire stopper les dommages. Le dentiste sait qu’il s’agit d’une maladie très difficile à guérir et ne portera aucun jugement; il s’agira juste pour lui de protéger les dents le temps de la guérison.
Comment prévenir et accompagner les soucis dentaires liés aux TCA ?
Après la crise et au quotidien
Des règles d’hygiène simples peuvent pallier les dommages liés aux crises et aux vomissements :
- Le rinçage alcalin : pour neutraliser l’action des acides (alimentaires et/ou digestifs) sur l’émail des dents, il faut toujours se rincer la bouche avec de l’eau, longuement, et si possible avec de l’eau alcalinisée avec du bicarbonate de soude (en pharmacie).
- Attention au brossage ! Il faut attendre au moins une heure après une crise ou un vomissement, avant de se brosser les dents, et veiller à utiliser une brosse à dents souple. Les patients atteints de TCA ont tendance à vite se brosser les dents (souvent très longtemps et trop énergétiquement) après une crise, avec l’envie de se “purifier”, de se “laver de la crise”. Mais cette tendance peut endommager les dents en faisant comme un “brossage acide”: en étalant les acides et les enfonçant dans l’émail. Il vaut mieux se rincer les dents et attendre avant de faire un brossage (et que celui-ci soit le moins abrasif et horizontal possible).
- Les solutions fluorées : bain de bouche et/ou dentifrice; le patient doit privilégier les apports fluorés pour compenser la déminéralisation créée par les attaques acides trop fréquentes, et pour renforcer les dents.
- Chewing-gum : mâcher un chewing-gum sans sucre, après la crise et/ou les vomissements, permet de stimuler la production de salive, qui va protéger les dents du déséquilibre acide. En cas de plus gros problème salivaire, des substituts salivaires ou même des médicaments stimulant la production de salive peuvent être prescrits.
- Utiliser une paille pour limiter le contact des boissons acides (comme les sodas) avec les dents, et finir ses repas par un aliment alcalin (comme une banane) peuvent être des conseils utiles pour protéger les dents, mais peuvent être plus difficiles à appliquer comme ils viennent heurter les besoins en sensations alimentaires et les compulsions.
Chez le dentiste
Le contrôle et l’accompagnement par le dentiste peuvent réellement retarder et même stopper les dégâts occasionnés par les TCA sur la santé bucco-dentaire. Les patients sur les forums reconnaissent qu’ils auraient dû se faire accompagner plus tôt parce que dès la première visite d’accompagnement, les symptômes secondaires sur les dents ont cessé d’évoluer.
Il ne faut pas hésiter à consulter, et à parler ouvertement de cette maladie difficile à guérir, car les dentistes sont concernés et peuvent réellement aider à prévenir les dommages irréversibles. De plus, les dommages esthétiques déjà existants peuvent être réparés avantageusement, ce qui peut limiter les problèmes de mésestime qui renforcent les TCA.
- Une visite tous les 4 mois : multiplier les visites de contrôles sans hésitation; le dentiste peut repérer les problèmes encore indolores ou invisibles pour le patient, et y remédier.
- Détartrage : à chaque visite, le dentiste nettoiera parfaitement les dents du patients, pour éviter que les bactéries ne s’installent dans le tartre, et que les maladies des gencives ne se développent (le tartre est plus fréquent chez les patients souffrant d’anorexie mentale).
- Vernis fluoré : en cas de lésions provoquant des sensibilités dentaires, le dentiste peut appliquer du vernis fluoré qui va recouvrir en les comblant les dégâts causés par l’érosion. Ce vernis permet également de délivrer du fluor dans la dentine et de prévenir la déminéralisation.
- Gouttière fluorée : le dentiste peut proposer au patient de porter le soir une gouttière remplie d’un gel fluoré, en prévention de la dissolution acide (due notamment au déséquilibre du pH local et au reflux gastrique pendant la nuit). La gouttière ne se garde pas toute la nuit, mais juste quelques minutes, ou bien une petite partie de la soirée, avant le coucher.
- Ciments ou composites : ces pâtes permettent de réparer et reformer les dents abîmées, pour les protéger des dissolutions acides, avec un bénéfique esthétique et de confort.
- Les traitements prothétiques : ils sont nécessaires lorsqu’il faut remplacer une dent trop abîmée. Le dentiste peut proposer une prothèse amovible transitoire, qui va stabiliser les modifications cliniques (lorsqu’un problème occlusal est apparu et gêne la mastication) et accompagner le patient le temps de la guérison. Les prothèses fixées seront plutôt proposées après la guérison, car d’autres modifications peuvent apparaître; de plus, les prothèses fixées peuvent sensibiliser les racines et les gencives aux bactéries, dans un contexte déjà fragilisé.
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Conclusion
Il est essentiel de reconnaître qu’il s’agit d’une maladie, lorsqu’on souffre de compulsions alimentaires en restriction et/ou en fringales incontrôlables. Comme toutes les autres maladies, il n’y a aucune honte à avoir et il faut se faire accompagner par des professionnels de la santé, qui sont les seuls à même d’enclencher le bon processus d’accompagnement. Une maladie accompagnée est une maladie gérée, dont les symptômes secondaires n’abîmeront pas les organes du patient de façon irréversible.
L’accompagnement est particulièrement un succès dans le contexte dentaire d’un TCA (trouble du comportement alimentaire). Il ne faut pas hésiter à consulter un dentiste dès que possible, et à multiplier les visites de contrôle. Le dentiste donnera quelques règles d’hygiène faciles et efficaces à appliquer après les crises de compulsions; et il procédera ensuite à des soins simples pour protéger vos dents de l’effet de la maladie, comme les recouvrir d’une couche de vernis fluoré, ou simplement les détartrer.
Site internet de l’assurance maladie. Ameli.fr. Fiche d’information sur l’anorexie [en ligne] <https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/anorexie-mentale/definition-frequence-causes> Consulté le 11 juin 2019
Site internet de l’assurance maladie. Ameli.fr. Fiche d’information sur la boulimie et l’hyperphagie boulimique [en ligne] <https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/boulimie-et-hyperphagie-boulimique/boulimie-hyperphagie-boulimique-definition-causes> Consulté le 11 juin 2019
Université de Nantes. Dorothée Dore-Jourdain. Les troubles alimentaires, de l’anorexie à l’obésité. Thèse : chirurgie dentaire. 2008. [PDF téléchargeable]. <http://archive.bu.univ-nantes.fr/pollux/fichiers/download/b06fe2de-e43c-4d48-8811-f98f69dbb723> Consulté le 11 juin 2019